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02 octobre 2015

La Philosophie Minuscule

La philosophie minuscule

Premier manifeste

 

 

« Prends ces mots dans tes mains et vois comme ils sont faits » (Queneau)

 

Le philosophe minuscule regarde les mots et les notions au microscope de la pensée pour les agrandir en concepts. Il se caractérise par l’attention qu’il porte à des sujets parfois dédaignés par la « grande » philosophie et relégués trop souvent hors du champ de la réflexion méthodique.

 La philosophie minuscule a pour ambition de mesurer et de baliser au moins quelques infimes portions dans l’infini du savoir.  Etudier l’atome ne vaut pas moins que regarder l’étoile.  Il ne s’agit pas de grossir artificiellement ce qui s’avère peu signifiant. Le microbe reste un microbe, même sous le microscope.

 La philosophie minuscule est d’abord de la philosophie : elle exige rigueur et méthode, elle écarte tout préjugé et opinion a priori. Son projet est le même que toute science : connaître et comprendre la vie. Avec Montaigne elle se demande « Que sais-je ? ». Avec Kant elle s’interroge « Qu’est-ce que l’homme ? ». 

 La philosophie minuscule ne recule devant aucun sujet. L’éclectisme de ses notions, leur trivialité, leur apparence « non philosophique », leur ancrage dans le quotidien, en font une branche de la « pop philosophie » évoquée par Gilles Deleuze et pouvant être définie comme une manière de concevoir « la façon dont l’essentiel se distribue dans l’accessoire » pour « intensifier » et « démocratiser » la pratique philosophique.  Il n’y a pas de « petit » sujet : le sport, la gourmandise, la douche et le bain, la voiture, le bricolage… Tout est question d’échelle, de proportion, de mise en perspective. Songeons à Roland Barthes et à ses fameuses « Mythologies », ou au poète Francis Ponge et son « Parti pris des choses », éloges des légendes de l’ordinaire et des objets sans qualités.


Le philosophe minuscule s’intéresse en particulier  aux expressions populaires qui constituent une informelle « philosophie » souvent associée à un « bon sens » sans savoir quel est, précisément, ce prétendu « sens » et pourquoi il serait « bon ».

Ne sont-elles que des lieux communs qui empêchent de penser ? Délivrent-elles une part de vérité ? Le philosophe minuscule passe donc au crible de sa réflexion et de sa méthode ce langage commun, ces locutions souvent imagées qui se perpétuent et se transmettent sans que l’on ne prenne plus le temps de peser le poids de leur signification ni d’évaluer la pertinence de leur proposition. Comprendre, par exemple, pourquoi il est vain (ou non) de « chercher midi à quatorze heures » ou savoir si c’est vraiment « l’intention qui compte », peut nous aider à penser notre vie et à fonder une philosophie du quotidien.

 Le philosophe minuscule ne cherche pas à élaborer un système. Il ne prétend à aucune vérité définitive et place le doute au cœur de sa réflexion.  Eclairant quelques sujets microscopiques il essaie néanmoins d’illuminer un peu l’obscurité de l’existence. Il n’est pas un phare, mais lumière vacillante dans la tempête. Cela exige les mêmes ressources que la philosophie « éternelle » : manier la logique et le paradoxe, élaborer des thèses et formuler des objections, risquer des synthèses, les frotter entre elles, les confronter à l’expérience.

 Le philosophe minuscule ne se prend pas au sérieux. Il considère l’humour comme un détour possible vers la raison.  La philosophie est aussi un jeu, c’est à dire ce qu’il y a, pour les enfants, de plus sérieux.

 La philosophie minuscule est bien un « gai savoir », une philosophie légère et joyeuse qui n’oublie pas que nous sommes mortels. Elle se pratique partout, y compris et surtout en dehors des lieux dédiés traditionnellement à la philosophie. Elle peut-être faite par tous, ce qui ne veut pas dire sans maîtrise ni sans références. Tout est possible, sauf la bêtise qui est refus de penser. Tout est possible, sauf le n’importe-quoi, qui n’est pas le « je-ne-sais-quoi » (Jankélévitch).

 La philosophie minuscule se caractérise par la modestie de son propos et par la prétention de son projet : voir le grand par le petit.

  

Yves Gerbal, 30 septembre 2015.

 

 

 

 

 

 

19:38 Publié dans Essais | Lien permanent | Commentaires (0)

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