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18 décembre 2019

Le sage et l'oiselle (fable)

Le corps est las, hélas ! Voyez ces cicatrices sur ma peau : ce sont des éclats de vivre qui ont laissé leurs signatures. Voyez ces sillons au bord de mes yeux : ce sont mes nuits trop brèves qui les ont dessinés sur mes tempes. Ecoutez mon cœur : il bat au rythme irrégulier des journées trop chaotiques. Mon ventre garde la mémoire des coups d’épée de l’anxiété. Mon dos reste chargé du poids des douleurs et des deuils. Voyez ce corps fatigué, ce visage où s’inscrivent les marques de tous les jours trop passés.

Le maître me fait la leçon. "Tout s’use et surtout si tu abuses. Tu creuses tes rides et ton tombeau." Paroles d’ascète, sentences du sage, qui trépasse juste après. A quoi sert de s’épargner puisqu’on est condamnés ?

Pour mon repos non éternel je pars m’allonger sous le ciel. Un oiseau plane à ma verticale. Ou bien est-ce une oiselle ? J’écoute son chant. C’est une ode à la manière ancienne, un blason.

"Voyez la finesse de ces attaches, et la sveltesse de ces membres. Voyez la couleur dans son regard et la gourmandise sur ses lèvres. Voyez la rondeur de ses fesses, le galbe de ses jambes, et les boucles qui couronnent encore son auguste crâne. Voyez cette allure sans âge, cette fière posture. Quelle silhouette, mazette !"

Serait-ce un planeur ricaneur ? J’ouvre ma large bouche et je dis au flatteur : « Grand merci, bel oiseau, mais vous en dites trop ». Je n’en pense pas un mot. Je rentre le ventre en serrant les abdos. Il n’a rien dit de mon cerveau.

Il a suffi de quelques mots. Je me remets en marche, toute fatigue oubliée. Un pied devant l’autre. Je ne me lasse pas de cette vieille mécanique bien huilée. Le volatile en couleurs qui a dit mon corps beau continue de voler au-dessus de ma tête. Je distingue un chant nouveau, juste une trille, un seul refrain repris à tire d’ailes. Que me dis-tu, mon bel oiseau ? Je m’arrête au coin du paysage pour l’écouter. Mon ouïe est restée fine :
« Mieux vaut s’user que se rouiller». Quelle bonne nouvelle ! Je repense à mon maître figé dans son tombeau. Ma main gauche tremble un peu. C'est la faute à mon cerveau.

Je scrute encore le ciel. C’est une oiselle ! Et si je m’envolais vers elle ? J'ouvre les bras. Ca ne suffit pas. Je n'ai pas d'ailes. Mais je souris. J'ai trouvé une autre manière de creuser mes rides.

Ive
7/9 décembre 2019

11:41 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

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