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07 avril 2006

Le miracle de l'écriture : épisode 2

La moto est frêle. Et eux aussi. Deux corps serrés en équilibre. Têtes nues. Collés. Ils vont lentement, presque sans bruit. Se laissent doubler par les motards sur leurs grosses bécanes qui les dépassent dans un bruit d’enfer. Se laissent doubler aussi par les voitures vitres ouvertes dont s’échappent les gentilles paroles d’une chanson rapée. Mais tout cela s’évanouit étrangement vite dans l’air vaste.


Le monde de Stéphanie est sous ses doigts. Elle a passé ses bras autour de la taille de Camel. Sur l’épaule elle porte son sac de plage, un truc siglé couleur pastel, acheté dans une boutique du centre-ville. Aux pieds elle a des sandales de la même couleur. Quatre brides parallèles à ses ongles vernis. De la même couleur que le sac. Et une chaîne en or à la cheville droite.
Avant de quitter la plage elle a remis son top à fines bretelles et sa jupe courte pendant que Camel reprenait son sac à dos, mettait ses baskets, et enfilait un tee-shirt blanc serré aux épaules.
Ils n’ont pas mis de casque. Camel a accroché le sien sur le porte-bagage, avec le sac à dos. Le vent dans les boucles brunes de l’un et les mèches blondes de l’autre, ça ferait une jolie photo...
Ca tourne et ça vire. Dans les virages Stéphanie penche légèrement, suit le mouvement du corps de Camel, déjà attentive à l’accompagner dans chacun de ses gestes.
Sur leur petite moto ils roulent au ralenti, laissant leur tête s’imbiber de ce moment essentiel. Le goudron parfait est un tapis que les dieux déroulent devant eux. Stéphanie regarde sur le côté, elle voit la mer apaisée, et l’horizon infini. Et puis la ville, aussi, après un virage serré. Marseille est plus érotique que jamais, alanguie sous un ciel idéal.
Et bêtement ils voudraient que cela dure toujours. Ils se disent que le soleil pourrait attendre pour se coucher. Et en même temps ils rêvent d’obscurité et de clair de lune...
Plusieurs voitures les doublent. Certaines klaxonnent.
Stéphanie ne parle pas à Camel. Camel ne parle pas à Stéphanie. Ils n’ont rien à se dire. Ils sont dans cet espace parallèle au monde des humains où les paroles sont muettes. Tout est clair. Tout est là. Rond comme cette boule rouge qui descend vers la mer. Et ils vont disparaître comme elle, en cette heure propice, derrière un horizon complice. Laissons-les seuls. Laissons-les étancher leur soif d’unité. Laissons-les s’échapper du temps des mortels. Ils ne savent rien de ce qui les attend. A vrai dire, il s’en foutent.
Stéphanie a du sable partout. Entre les orteils, entre les seins. Même entre les fesses. Peut-être elle va le garder en souvenir, comme une relique. Le mettre dans une fiole et l’exposer sur une étagère.
Ils pénètrent dans la ville lentement. C’est ce que l’on appelle des préliminaires.

10:11 Publié dans Nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0)

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