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07 avril 2006

Le miracle de l'écriture : épisode 3

Là où il était petit boy, Camel, c’était plutôt chacun pour soi et la merde pour tous. Il aurait pu rester au ras du bitume. Mais Camel, c’est un mec d’élite. Il ne le sait pas encore. Il est pas fini, c’est normal. Trop jeune.
Stéphanie, elle, c’est fleur de peau et yeux de biche. Elle a tout placé là, à sa surface. Mais il y a de la place à l’intérieur, à la place du cœur, comme dirait une mauvaise chanson.


Camel, il a grandi sur un balcon, entre un tricycle rouillé et quelques pots de géranium vaguement anémiés, mais il a parfois de curieuses remontées des profondeurs.
Une nuit, alors qu’ils roulent vers l’Oxydium, dans la voiture de sa mère, climatisation et double airbag, il se met à dire des choses que Stéphanie pige pas tout de suite. Elle croit qu’elle n’est pas faite pour piger autre chose que la main de Camel sur sa peau, sur la fleur de sa peau. Elle se trompe. Mais elle ne le sait pas encore. Trop jeune elle aussi. Trop fille. Pour l’instant, son maquillage l’empêche de penser.
Il lui dit qu’il s’est mis à écrire. Elle ne dit rien. Elle écoute parce qu’elle voit que ça lui fait plaisir, elle dit même un “ah bon ?” et un “vraiment ?”, et puis plusieurs “Oui, oui” quand il lui demande si elle comprend ce qu’il veut dire.
Il dit : “Tu vois, par exemple, j’aimerais écrire quelque chose sur Marseille ".
Stéphanie cherche d’abord une parade, un truc qui va le ramener à sa peau. Alanguie sur le siège, le bras sur l’appuie-tête du chauffeur, elle avance la main prête à farfouiller dans les mêches de Camel. Mais instinctivement elle comprend à ce moment là que Camel a aussi besoin d’un autre langage. C’est peut-être même une question de vie ou de mort. Elle ne sait pas bien l’expliquer, mais elle sait. La main viendra après. Elle lui demande d’abord : ”Et sur moi, tu écriras quelque chose ? ". Ca double dur sur l’autoroute du samedi soir. Camel ne se tourne pas vers elle. Quelques secondes passent encore. Il dit : " Oui, je te promets ". Stéphanie est contente. Vivre avec un écrivain, c’est plus trop à la mode, mais elle, elle s’en fout. C’est lui qu’elle veut. Elle pense aux lions qui seront sur les piliers du portail de leur grande maison. Et au jardin avec des lauriers-rose. Et des vases en terre cuite de chez Ravel. Des platanes aussi, pour faire de l’ombre.
Maintenant Camel monte le son. Un remix de DJ Pompougnac. Un truc à fond les basses, mais avec une jolie guitare cristalline par dessus qui vient caresser l’oreille. Stéphanie se demande combien ils auront d’enfants. Dans la voiture, Camel commence à danser.
C’est un mec d’élite on vous dit. La preuve : quand il achète un jeans il tombe toujours impeccable. Pas besoin de faire un ourlet. Mais pour écrire, aura-t-il besoin de retouches ?

10:13 Publié dans Nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0)

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